éditions du temps qui passe cybercarnet [blog] de Pascale Evrard
  • "Si…lencieusement"

    "Si…lencieusement"

    C'est sous un lustre extravagant, dans la Chambre du Prince de l'Hôtel de Soubise (dorures, ornements, boiseries, tentures incarnats et piano à queue), que nous avons découvert le premier mouvement — mouvement du chœur citoyen — de "Silencieusement" : une création musicale de Nicolas Frize. (En conclusion de deux années de résidence aux Archives nationales).

    Notre chœur citoyen (constitué de chanteurs amateurs) s'est retrouvé ensuite sur le site des Archives nationales de Pierrefitte pour poursuivre les répétitions en compagnie de musiciens et chanteurs professionnels (l'ensemble vocal Sequenza 9.3); sous la direction de Catherine Simonpietri.

    Une véritable expérience pour ma part, un réel enthousiasme à découvrir l'amplitude d'une musique contemporaine, ses heureuses dissonances; en prendre part, un peu… jusqu'aux "Jours J"… de la pièce en mouvement pour un public de spectateurs/auditeurs.

    Cette pièce en mouvements implique effectivement une circulation (du public) et un roulement de représentations pour notre chœur ainsi que tous les acteurs de la partition… et puisque nous n'y aurons — "hélas" — pas accès, Nicolas Frize nous invite lors de la dernière répétition à un tour commenté de ce qu'il en sera des cinq autres mouvements qui scanderont la déambulation… à l'intérieur du bâtiment porteur d'une mémoire collective… aux allures de navire amarré. Nous voyageons jusque dans les bassins extérieurs qui bordent le bâtiment. Il nous mime alors les scènes et barbotte avec bonne humeur dans l'un des bassins.
    L'idée, l'envie, me prend de commencer une série de croquis. Je n'ai pas mon carnet, je prends la partition.

    Parons à l'équipage !

    12 Novembre 2015 :
    Voilà ! tout commence vraiment…
    D'abord… l'arrivée du public, les gestes, les regards.
    Les chuchotements charmants (mais encore timides) des enfants.

    Puisqu'entre chaque "roulement", nous avons un peu de temps et pour ne pas me disperser, je calme mon bonheur à chanter en chœur (et la proche perspective de recommencer) en reprenant mes notes dessinées.

    J'aimerais en ponctuer — au fur et à mesure des jours et additions de représentations — la partition.
    De nos tenues à strates, clin d'œil aux "Archives" de notre fantaisiste compositeur, nos marinières viennent conforter l'horizon et la forme graphique des portées, des systèmes.
    J'apporte — au sein du graphisme musical déjà bien fleuri du compositeur — une autre forme de "figurations".

    J'y trouve une stimulation, un amusement. Les notes dessinées viennent en transitions de notre chœur en roulement, où dans chaque soir se révèle un bonheur croissant à se familiariser avec le tout.
    Avec une admiration pour la direction musicale de Catherine Simonpietri.

    Le chant, les instruments, les soubresauts, les envolées, les crissements.

    Violons, cor, basson et traversières…

    Vendredi 13 novembre 2015 :
    la deuxième soirée se termine… nous rejoignons la ligne 13… mais ce soir, impossible de se réjouir. Tout s’éteint, froidement. Ce à quoi on ne veut croire se répand comme une mauvaise rumeur dans la rame. Puis je déambule après l’inqualifiable dans un Paris meurtri, hanté d’un vide palpable.

    Samedi 14 novembre 2015 :
    nous ne perpétuerons pas les silences de notre « grand chœur », ni ce soir, ni demain. Vidée de notre projet citoyen, j’en ai les bras ballants, désorientés.
    Les notes encloses dans nos chemises endeuillées ont-elles rendu leur dernier silence… ? Quand rechanterons-nous ? Lundi peut-être ?

    Lundi 17 novembre 2015 :
    que dire alors du désarroi du compositeur ? De son "immense regret" à nous faire part du cas de force majeur qui réduit à presque néant son entreprise artistique et humaine ?
    J'aurais… nous aurions, tant aimé alors poursuivre sa musique, n'était-ce que pour agir, chanter ensemble, faire œuvre au sein du désœuvrement du monde.

    19h00 :
    nous nous retrouvons aux Archives pour nous dire "au revoir" autour d'un vin chaud.

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